Les insectes pollinisateurs malmenés !

L’essentiel de la pollinisation se fait grâce aux vecteurs que sont les animaux, des insectes pour l’essentiel et, parmi eux, 250 espèces de papillons de jour en France, près de 1000 espèces d’abeilles sauvages et nombreux autres genres qui participent au déplacement du précieux pollen. Nous savons aujourd’hui que les abeilles participent à la pollinisation de 87% des plantes sauvages et 75% des plantes cultivées. Ce service écologique offert par la nature a d’ailleurs été estimé à un minimum de 200 milliard d’€ de bénéfice pour la société chaque année. Nous savons aussi que les populations d’insectes sont en forte régression et, avec eux, les potentialités de pollinisation des cultures.

Une séance de travail a été organisée par le CEN le 12 février en présence d’Hugues Mouret d’ARTHROPOLOGIA. La finalité était de mieux comprendre l’enjeu que représentent les pollinisateurs, savoir en reconnaître les principaux contributeurs mais aussi savoir argumenter sur l’introduction ou non de ruchers dans les espaces naturels à haute valeur patrimoniale.

Un syrphe (photo H. Mouret, ARTHROPOLOGIA)

Distinguer syrphes, abeilles, bourdons…

Le travail n’est pas aisé : outre le grand nombre d’espèces qui existe, certaines se plaisent à ressembler ou imiter les autres, entre certains syrphes volucelles mimétiques de bourdons ou de frelons et les tenthrèdes noires et jaunes qui imitent à merveille les guêpes.

Concernant les syrphes, ce sont plus de 500 espèces dont les 4/5e sont mangeurs de pucerons : les adultes sont attirés par les fleurs sauvages dont de grandes banales servent de précieuses réserves de puceron (ortie, sureau, gaillet…).

Concernant les abeilles, larves et adultes sont strictement herbivores. Mais la nourriture varie selon les espèces entre un régime généraliste ou plus spécialisé. La plus grande majorité des abeilles sauvages sont solitaires, certaines grégaires (vivent en bourgades) jusqu’aux espèces sub-sociales qui vivent en petites colonies et les eusociales qui vivent en grandes colonies. Plus de 70% des abeilles sont terricoles, creusant leur nid dans les sols nus ou faiblement végétalisés, donc très vites impactées lorsqu’on travaille le sol.

Les bourdons, qui sont des abeilles à part entière, sont beaucoup moins nombreux avec seulement 48 espèces présentes en France.

Une perte inexorable d’habitats

L’imperméabilisation des bords de route, la transformation des talus bien exposés en gazon dense ou leur arasement diminuent d’autant les capacités d’accueil des pollinisateurs. Si, en France, seulement quelques espèces ont disparu, la diminution de leur abondance reste un problème majeur. Outre les problèmes cruciaux liés aux pesticides, la perte d’habitats de nidification et l’appauvrissement de la diversité végétale (prairies et pelouses naturelles…) participent à l’hécatombe.  Il est donc d’intérêt de conserver voire de favoriser des micro-habitats pionniers, des buttes, des zones de sols nus… des milieux de transition comme les ourlets forestiers qui sont parmi les milieux les plus riches pour le butinage des abeilles. Il faut élargir l’offre de gîtes et de couverts à nos abeilles sauvages ! Et concernant le couvert, les analyses faites lors du programme Urbanbees sont révélatrices : les plantes les plus communes sont structurantes pour les abeilles. Se préoccuper des espèces à haute valeur patrimoniale ne suffit pas !

Une andrène mâle (abeille) photo H. Mouret, ARTHROPOLOGIA

Une compétition préoccupante

Si l’intérêt de la production de miel et l’élevage de l’abeille Apis mellifera ne sont bien sûr pas remis en cause, il est important de garder en tête que la compétition entre l’abeille domestique et les espèces sauvage a un impact conséquent. Outre la compétition directe, presque anecdotique, c’est par la transmission de maladies mortelles pour les bourdons sauvages, la modification du réseau qui se construit entre plantes et pollinisateurs et surtout la consommation de ressources florales identiques que cette concurrence prend tout son sens. Des études montrent que la consommation d’une colonie d’abeilles domestiques en 3 mois équivaut au besoin en nourriture de 100 000 larves d’abeilles sauvages. Des Espagnols ont montré que la taille des individus d’abeilles sauvages augmente plus on s’éloigne d’un rucher, du fait d’une meilleure nourriture. L’étude constatait aussi le départ des grosses espèces sauvages près du rucher, donc un rôle dans la pollinisation qui reste vacant, sachant que les abeilles domestiques ne pollinisent que partiellement les espèces végétales !

Alors que faire ?

Chacun a son rôle dans la nature et la place de ruchers aux côtés des pollinisateurs sauvages peut s’envisager. Toujours est-il que les espaces à forte valeur patrimoniale sont à réserver à la nature plutôt qu’à l’élevage et il convient de réserver les ruchers sur des espaces où leur impact sur les populations sauvages est moindre. Enfin, n’oublions pas que la présence de ruchers, mêmes sains, ne remplacera jamais les rôles que se sont octroyés de nombreux butineurs sauvages, tous travaux et aménagements favorables à leur accueil sera positif.