Les pandémies virales auraient-elles un lien avec la destruction des habitats naturels ?
De plus en plus de scientifiques l’affirment : la crise sanitaire actuelle témoigne des bouleversements que subissent les habitats naturels depuis des décennies, aboutissant très souvent à la réduction des espaces forestiers ou de marais dans lesquels vivent ces animaux sur lesquels les virus en question n’ont que peu d’impact. Cela fait partie des multiples équilibres qui gouvernent la vie sauvage. Qu’ils soient des pangolins, des chauves-souris ou bien d’autres espèces généralement peu en contact avec l’humain, ceux-ci ont bon dos actuellement ! En incitant les animaux, porteurs potentiels et sains de maladies, à se rabattre sur des portions toujours plus petites d’habitats et côtoyer de plus en plus les humains, le rapprochement avec notre espèce est largement renforcée, sauf que, pour nous, l’impact du virus est parfois beaucoup plus conséquent. En conséquence, l’incident se traduit exceptionnellement en pandémie.
Sonia Shah, journaliste d’investigation américaine relatait début mars, dans le Monde diplomatique plusieurs cas typiques : Ebola dont une étude montrait en 2017 que le virus était plus présent parmi les populations des zones d’Afrique centrale et de l’ouest qui ont récemment subi des déforestations. Dans ce cas, c’est l’abattage des forêts qui pousse les chauves-souris, dont des spécimens sont porteurs sains du virus, à aller se percher sur les arbres de jardins, proche des fermes. La probabilité qu’un peu de salive se retrouve sur un fruit consommé par un humain est alors plus élevée… Reste au microbe à s’adapter au nouvel organisme hôte et prendre le statut de pathogène. Le développement du virus Nipah en Malaisie ou au Bangladesh, ou celui responsable de la fièvre hémorragique de Marbourg sont identifiés avec la même origine de dégradation d’habitats. Sonia Shah cite encore le cas du lentivirus du macaque sorti du bois avec les intrusions coloniales et connu aujourd’hui sous l’acronyme VIH, ou encore la bactérie aquatique des mangroves des Sundarbans (une forêt qui a perdu 50% de sa surface en 50 ans), désormais connue sous le nom de choléra, avec sept pandémies provoquées à ce jour.
Quant aux moustiques, véhiculant notamment le paludisme, ils sont favorisés par la formation de flaques d’eau, issues du ruissellement consécutif à la disparition de la couche de feuilles d’arbres… faute de maintien en place des arbres.
Modifier un des facteurs qui structurent l’équilibre biologique peut avoir des conséquences inattendues et graves. Sur nos territoires les enjeux ne diffèrent guère : de l’installation d’espèces exotiques envahissantes à la disparition d’espèces “parapluies” et à la régression des surfaces d’habitats naturels, les résultats se traduisent par une moindre diversité de nos espaces naturels et une résilience plus faible.