ORE : un couple décide de protéger la biodiversité de leur terrain pour les 99 ans à venir

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Mardi 8 septembre, le Conservatoire d’espaces naturels s’est rendu chez M et Mme Montel à Saint-Cyr-sur-le-Rhône (69), pour officialiser la signature d’Obligations Réelles Environnementales, un contrat de protection environnemental de leur terrain. En présence d’un notaire, les deux parties se sont ainsi engagées à mettre en place une série de mesures visant à préserver la biodiversité de la parcelle pour une durée de 99 ans. Retour sur cet événement.

 

Des amoureux de la nature de longue date

C’est en 1977 que Denise et Eugène Montel achètent leur parcelle à Saint-Cyr-sur-le-Rhône pour faire construire leur maison. Ils emménagent avec leurs trois enfants en 1979. Ils se rappellent avec nostalgie, des paysages et de la biodiversité présente alors autour de chez eux : « Notre terrain, comme tout le coteau autour de nous, était boisé ou plutôt “broussailleux “!! On y croisait souvent chevreuils ou sangliers…Buses, geais, faucons crécerelles étaient très présents (ce n’est plus le cas). Nous aimions beaucoup nous y “perdre” en suivant les passages d’animaux, au risque de quelques égratignures! C’était comme mon enfance dans la ferme de mes parents, sur le causse de Gramat, Rocamadour Padirac! Et que dire du plaisir de trouver tout-à-coup, un petit peuplement d’orchidées sauvages, d’inules ou de chênes-verts ? »

 

Leur prairie sèche, un milieu naturel remarquable

La parcelle de M et Mme Montel a une particularité : elle abrite une pelouse sèche, un habitat naturel, constitué d’une végétation rase supportant de forte chaleur et accueillant une faune spécifique. Plus généralement, il faut savoir que les pelouses sèches sont des milieux naturels qui ont tendance à régresser car 30 % d’entre elles ont disparu au cours du 20ème siècle. En 2017, M et Mme Montel confie la gestion de leur prairie au Conservatoire d’espaces naturels Rhône-Alpes. Sur leur engagement, M et Mme Montel poursuivent : « Nous sommes convaincus de la nécessité de conserver ce petit coin de nature, avec ses plantes endémiques, puisque nous avons l’ensemble des végétaux qui existaient sur ce versant, dont quatorze sortes d’orchidées sauvages ! ».
En effet, leur parcelle recèle de plantes typiques qui, soumises à des conditions rudes (pauvreté du sol, fort ensoleillement, etc.), ont su s’adapter au fil du temps. Si bien que le Parc naturel régional du Pilat a même sollicité leur aide dans le cadre d’un programme de recherche. Demande que M et Mme Montel ont accueillie avec enthousiasme : « Nous avons été très contents, ce printemps, de la demande du Parc du Pilat, de récolter sur notre pente des graines de Graminées résistantes à la sècheresse, en vue d’étudier leur possible utilisation pour “habiller” la terre nue, entre les ceps de vigne, et réduire l’évaporation! Joli retour à la nature! »

 

©Louis Brasquies

L’ORE « pour que notre modeste terrain reste un havre de biodiversité ! »

Ce couple soucieux de préserver cette nature fragile et menacée, a donc fait le choix de signer un contrat d’Obligations Réelles environnementales : « cela correspond à notre souhait de maintenir notre pente sèche en l’état après nous, et pour une durée longue, afin que, peut-être, notre modeste terrain soit encore un havre de biodiversité ! ».

Alors, les ORE, qu’est-ce que c’est ? Et en quoi ça consiste ?
Le principe est simple, il s’agit d’un contrat que des propriétaires de biens immobiliers peuvent conclure avec une structure agissant pour la protection de l’environnement. Les deux parties définissent ensemble les actions à mettre en place pour favoriser la biodiversité de la parcelle, leurs engagements respectifs et la durée pour laquelle ils souhaitent s’engager. La particularité ? Ces obligations sont attachées au bien immobilier et se transmettent aux propriétaires ultérieurs du bien.

Quels sont les engagements pris par les propriétaires et le Conservatoire d’espaces naturels?

Le Conservatoire d’espaces naturels s’est engagé à mettre en œuvre les actions nécessaires à la conservation des milieux naturels et de la biodiversité associée à la parcelle. En contrepartie de quoi, les propriétaires se sont engagés à ne pas modifier les caractéristiques naturelles du terrain et ne pas porter atteinte aux espèces. « Dans notre démarche de signature de l’ORE, nous sommes totalement approuvés par nos trois enfants ! » ajoutent M et Mme Montel.

Maître Philippe Rouhette

ORE, un outil juridique à portée de tous les  propriétaires pour préserver durablement la biodiversité de leur parcelle

Pour être authentique, le contrat doit être établi par un notaire. M et Mme Montel ont ainsi été accompagnés par Maître Philippe Rouhette, notaire au sein de l’étude Caperenne Notaires associés, qui a un service spécialisé en rural/foncier. Il précise « notre rôle a été essentiellement de sécuriser l’environnement contractuel, de vérifier les éléments de validité du contrat (recherche des origines de propriété, du contexte foncier, etc.) ».
L’étude notariale Caperenne Notaires associés, qui a par ailleurs un partenariat avec le Conservatoire d’espaces naturels de Savoie, a déjà régularisé plusieurs ORE, mais jusqu’à présent toujours avec des personnes publiques. Sur ce dispositif juridique, Maître Philippe Rouhette s’exprime : « C’est un outil utile à développer : comme tout ce qui est récent, il doit faire sa place dans notre panel de solutions juridiques environnementales. » Selon lui, pour que davantage de personnes s’en emparent : « Il conviendrait que le législateur en renforce les avantages fiscaux pour le rendre encore plus attractif ». Pour autant « une réelle motivation à préserver l’environnement pour les générations futures » constitue un contexte et des conditions favorables à la mise ne place d’un tel dispositif. »
Pour Maître Philippe Rouhette, la crise sanitaire que nous vivons actuellement avec la COVID-19, pèse également dans la balance. En effet « le maintien du cadre de vie, encore plus prégnant depuis les derniers événements sanitaires » constitue une des raisons pour lesquelles les clients souhaitent s’engager dans une démarche d’ORE. Mais « les atteintes au droit de propriété qu’il est possible de ressentir, si la contrepartie (sociale, environnementale…) n’est pas mise en évidence » peuvent en revanche constituer un frein.

Le Conservatoire d’espaces naturels Rhône-Alpes travaille actuellement sur deux autres projets d’Obligations Réelles Environnementales qui devraient voir le jour d’ici la fin de l’année : une dans l’Ain avec une commune et une autre en Ardèche avec un particulier. Une affaire à suivre, donc !

 

Pour en savoir plus sur les ORE :

Plaquette de présentation des Obligations Réelles Environnementales édité par le réseau des Conservatoires d’Espaces Naturels

Fiches de Synthèse des Obligations Réelles Environnementales du Cerema et du Ministère de la transition écologique et solidaire

 

Film de présentation des Obligations Réelles Environnementales réalisé par le réseau des Conservatoires d’Espaces Naturels

 

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