Je ne suis pas un écologiste né. Je prône juste le bon sens : il faut penser à l’avenir et transmettre un patrimoine de qualité à nos enfants ! Sur notre commune, nous avons trois marais. Fauche de la blache, alimentation et abreuvement du bétail … ces espaces ont rendu par le passé de précieux services, ils pourraient être utiles encore demain. Je me souviens qu’en 1976, lors de la grande sécheresse, nous avions plus d’eau du tout au village. Heureusement, la source qui alimente le marais de Vuissey coulait toujours : c’est là que nous allions chercher notre eau avec des bidons.

Depuis les travaux, j’essaie de maintenir l’eau toujours à une certaine hauteur. Maintenant cela fait un joli plan d’eau avec de belles prairies en été. J’y ai retrouvé de la bécassine à l’automne. Il y a aussi des canards et du sanglier.

Les zones humides sont assez difficiles à exploiter, avec une réglementation pas toujours simple à maîtriser. Mais c’est plutôt intéressant de les avoir répertoriées : cela permet une meilleure lisibilité de ce qu’il est possible de faire ou non suivant les endroits, par exemple pour un projet de bâtiment agricole. L’empilement des réglementations est complexe, parfois contradictoire, et peut conduire à des incohérences du point de vue environnemental. Il faut une souplesse d’interprétation locale pour pouvoir assurer la cohérence des actions. Au niveau départemental, les agents de l’État en sont conscients. Concernant les Monts du Lyonnais, il n’y a pratiquement plus de nouveaux drainages depuis 1990. Je suis aujourd’hui convaincu qu’il peut y avoir une articulation intelligente entre l’agriculture et l’environnement, prenant en compte les zones humides et la biodiversité. Il y a d’ailleurs de bons dialogues en ce sens entre la Chambre d’Agriculture, les syndicats de rivières et le CEN.

J’ai peu de zones humides, les seules dont je dispose sont trois prés en bordure d’étang classés en zone humide. Ce n’est pas ça qui va jouer sur les stocks ni sur l’alimentation, mais c’est vrai qu’en été c’est toujours une zone où l’herbe pousse. Elle pousse plus tardivement qu’ailleurs, ça reste tout le temps vert.

J’ai des prairies humides [15% de la SAU] sur un sol assez argileux, sans pente pour évacuer l’eau. Il y a des joncs, mais c’est diversifié, parce que c’est pâturé tardivement. Si vous venez en mai, la prairie est impressionnante, on a de l’herbe jusqu’aux genoux !Le pâturage démarre en avril, avant c’est trop humide avec un fort risque d’abîmer les prairies. Ces prairies humides sont complémentaires aux autres parcelles : quand c’est trop mouillé, je mets les bêtes ailleurs, où c’est plus sec. En parallèle, je fais du foin sur des prairies un peu moins humides, jamais avant le 10 juin, souvent autour du 20-25 juin et je fais sécher au pré.

L’exploitation est organisée sur trois altitudes différentes : le siège à 850 mètres, puis 1050 mètres et une quinzaines d’hectares sur les hautes chaumes, à 1250 mètres.

La partie haute abrite la plus grosse zone humide. On y a réouvert des landes humides en cours de boisement. Là-haut, c’est très extensif, les génisses y restent tout l’été et les zones humides sécurisent une partie du troupeau vis-à-vis des aléas climatiques, parce qu’il y a toujours de l’herbe.

Dans la zone intermédiaire, on laisse comme c’est ce qui n’est pas trop mécanisable, ça apporte de la fraîcheur et l’abreuvement des animaux. Ce n’est pas négligeable, plutôt que de prendre de l’eau du réseau ! En bas, la rivière est mise en défend par des clôtures électriques, avec des points d’eau tous les 300 mètres où les vaches peuvent boire [un point d’abreuvement pour 20 vaches laitières]. Malgré l’appréhension du départ, on est plutôt content du résultat : la vache boit de l’eau courante sans y piétiner dedans et on préserve la rivière, riche en écrevisses à pattes blanches.

En tant que propriétaire foncier, le Conservatoire d’espaces naturels proposait la mise en location de prairies humides, ce qui nous a permis d’étendre l’exploitation et de développer une activité de production fourragère. J’ai mis en place une fauche centrifuge. Ce n’est pas une grosse contrainte, seulement une nouvelle habitude à prendre. Simplement au lieu de commencer la fauche à l’extérieur, on commence par le centre, de façon à permettre aux animaux de partir. Les suivis réalisés ont révélé des résultats très positifs, avec des impacts sur la faune fortement réduits (de 80% à 10-20%). Cette pratique a donc été incluse par la suite comme recommandation dans le cahier des charges des mesures agro-environnementales et généralisée.

Détenir ou occuper un espace ne signifie pas forcément bien le gérer. Il faut tenter de définir quels sont les critères de bonne gestion. Et ça, il faut le faire ensemble, agriculteurs et acteurs locaux. Nous avons expertisé les zones humides avec le Conservatoire d’espaces naturels. Cela m’a énormément plu. Lorsque l’exigence est accompagnée de compétences, les paysans jouent le jeu. Nous, qui sommes là depuis des décennies, avons découvert que nous méconnaissions certains éléments floristiques. La remise en cause de notre métier a été forte.

On a une zone humide dans laquelle on ne peut pas trop mettre les vaches laitières autrement elles ressortent trop sales pour la traite. On met donc 2-3 vaches allaitantes pour l’entretenir a minima. Par contre, cette parcelle nous a bien aidés cette année de sécheresse : on a mis les laitières qui ont bien profité et entretenu la zone, en évitant d’entamer nos stocks de fourrages trop tôt.

On a plein de zones humides ici. Pas facile de faire du bon foin dessus, ça a du mal à sécher. Mon grand-père faisait les mouilles à la motofaucheuse et on ratissait tout pour faire sécher le fourrage sur les zones sèches autour. Moi, je ne peux pas me permettre de faire ça! Je revalorise ces prairies grâce à l’enrubannage qui permet de récolter le fourrage même un peu humide et surtout rend le jonc appétent !